Histoire de l'enfermement

Saturday, 9. April 2011

CfP : Pratiques, acteurs et espaces de l'enfermement : circulations et transferts

Colloque international organisé par le Centre Marc Bloch de Berlin (Centre franco-allemand de recherche en sciences sociales), le programme de recherche ANR TerrFerme, la section de sociologie du droit de l’Association allemande de sociologie et le Centre de recherches interdisciplinaires sur l’Allemagne (UMR 8131 EHESS-CNRS) Paris

Berlin, 1er au 3 décembre 2011


Comité scientifique :

- Falk Bretschneider, EHESS/CRIA, bretschn@ehess.fr
- Mathilde Darley, CNRS/Centre Marc Bloch, programme TerrFerme, mathilde.darley@gmail.com
- Camille Lancelevée, EHESS/IRIS, Centre Marc Bloch
- Bénédicte Michalon, CNRS/ADES, programme TerrFerme, b.michalon@ades.cnrs.fr
- Thomas Scheffer, Humboldt-Universität/Institut für Europäische Ethnologie, scheffer@law-in-action.org

Argumentaire

Les lieux d'enfermement – prisons, hôpitaux, monastères, centres de rétention, centres éducatifs, casernes, etc. – ont fait l'objet ces dernières décennies d'un nombre croissant de travaux historiques et sociologiques. Une partie de ces recherches, doublement inspirée des projets goffmanien et foucaldien d'étude des « institutions totales » et des « institutions disciplinaires », a notamment permis d’affiner la compréhension sociologique de ces lieux en encourageant leur appréhension par l’ethnographie. Un autre volet de recherche très fourni a porté sur leur inscription dans l’histoire, en visant notamment à mettre en évidence les éventuelles continuités existant entre les formes contemporaines de confinement et leurs précédents historiques. Ces différents travaux ont ainsi permis de dégager des « modèles » permettant de penser ensemble les différentes formes de gouvernement des populations par l’enfermement. Ils ont également contribué à mettre en évidence les superpositions pouvant exister entre ces différentes institutions, par exemple en termes de groupes enfermés ou de pratiques et de logiques d’enfermement.

Cet appel à communications s’inscrit dans ce mouvement amorcé de désenclavement de l’analyse des lieux d’enfermement, tout en visant plus spécifiquement la mise en perspective de la prison, de l’enfermement des étrangers (rétention) et de l’hôpital psychiatrique. Il nous semble en effet que ces lieux ont connu dans le passé et connaissent à nouveau aujourd’hui des évolutions qui, sans remettre en cause leurs objectifs particuliers, rendent pertinent leur rapprochement analytique.

Cette rencontre scientifique visera notamment à interroger les pratiques, les acteurs et les espaces de l’enfermement sous l’angle de leurs éventuels transferts ou circulations d’une institution fermée à l’autre : il s’agira alors de mettre en lumière les éventuels effets de ces circulations sur les différentes institutions elles-mêmes, sur leurs agents (enfermants et enfermés, mais aussi acteurs extérieurs), sur leurs structures organisationnelles et spatiales, mais aussi sur la construction de leur image publique. On pourra décliner ces questionnements en quatre grands champs d’investigation :

1. Circulations et transferts des acteurs et des catégories

Au fondement de toute institution fermée, on trouve d’abord la labellisation de personnes ou groupes de personnes comme « déviantes », labellisation qui justifie l’enfermement. Dans la perspective qui nous intéresse ici, il s’agira de s’interroger sur les catégories mobilisées par les différents types de lieux : quelles sont-elles et dans quelle mesure se recoupent-elles ou s’alimentent-elles mutuellement, non seulement dans les pratiques des professionnels mais aussi dans les éventuelles réappropriations des catégories par les enfermés eux-mêmes ?
La question des circulations de catégories d’une institution à l’autre pose également celle, plus concrète, des formes de passage existant entre les différents lieux de privation de liberté retenus ici. En histoire, les passages soit au sein des « institutions combinées » de l’époque moderne, soit entre différents établissements fermés (prisons, maisons de travail, asiles psychiatriques, etc.) au 19e siècle ont fait l’objet de différents travaux. Les analyses contemporaines n’ont en revanche que marginalement porté sur ces formes de passage et ont par ailleurs montré que, si elles existent, elles ne sont généralement pas interrogées – les institutions concernées étant souvent pensées et se pensant elles-mêmes de façon autonome.

Dans une perspective diachronique ou synchronique, quels visages ces circulations revêtent-elles donc (passages d’un lieu à l’autre des personnes enfermées, des intervenants extérieurs, des professionnels) ? Quels effets ont-elles sur les manières dont le lieu d’enfermement est « pratiqué » et sa population « catégorisée » par les différents acteurs qui l’habitent ?

2. Production et reproduction d’un ordre interne

Selon la typologie goffmanienne des « institutions totales », celles-ci se définissent par un certain nombre de caractéristiques et de pratiques communes : une clôture (apparemment stricte) vers l’extérieur, une vie en communauté dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées, la négation de l’identité des enfermés au profit d’une assignation et d’un rôle définis par l’institution. Qu’en est-il lorsqu’on analyse de plus près ces pratiques de maintien de l’ordre au sein de différents lieux d’enfermement ? Il s’agira d’en saisir à la fois les similitudes et les divergences selon les lieux fermés étudiés, à partir par exemple des règlements intérieurs, des rituels lors de l’arrivée ou du départ des enfermés, de l’organisation du quotidien (travail, temps libre, pratiques religieuses, etc.) et de la surveillance, des sanctions, mais aussi des conditions matérielles de l’enfermement, tant pour les enfermés (alimentation, accès aux soins, à la famille, etc.) que pour les enfermants (pratiques contraignantes, soignantes, etc.) .

Se pose notamment la question de savoir comment la situation d’enfermement est vécue selon les différents lieux fermés et par les différents groupes d’acteurs (enfermés et enfermants) : y a-t-il une expérience commune à l’ensemble de ces institutions ? Quelles pratiques spécifiques (de résistance, d’adaptation ou de contournement pour les enfermés / de légitimation de la force pour les enfermants) se développent au sein des lieux d’enfermement et comment évoluent-elles en fonction des changements politiques, économiques, sociaux ou spatiaux qui les accompagnent ?

3. Pratiques spatiales : transformations des espaces de pouvoir

L’historiographie des milieux clos met à jour, eu égard au modèle spatial mobilisé, la perpétuation étonnante d’un même schéma – celui du monastère. En effet, le cloître a fourni un archétype puissant de l’enfermement, au sens figuré et au sens très concret des usages spatiaux (en témoigne la conversion d’anciens couvents en hôpitaux, en maisons de correction ou en prisons en Allemagne après la Réforme ou en France au moment de la Révolution). Il s’agira donc de s’interroger non seulement sur les modèles spatiaux mobilisés pour l’aménagement des différentes institutions closes, mais aussi sur les transformations qui ont pu s’opérer à travers des utilisations diverses. Dans cette perspective, un intérêt particulier sera porté aux effets de transferts des pratiques spatiales d’une institution à l’autre (à titre d’exemple, les effets de l’évolution des technologies de sécurité carcérale sur l’organisation spatiale d’autres types d’établissements fermés, l’incidence de l’expérience du camp colonial sur les usages spatiaux pratiqués en métropole, ou encore la perpétuation de « l’asile » dans des enfermements psychiatriques modernes).

L’accent portera en outre sur les pratiques spatiales / spatialisantes (officielles ou non) des acteurs et visera à identifier en quoi l’espace participe de la structure de pouvoir établie au sein du lieu d’enfermement. Il s’agira également de se demander dans quelle mesure l’espace est lui-même l’objet de réappropriations par les enfermés et/ou les enfermants, voire participe des stratégies de contestation de l’ordre et des rôles établis.

4. Ouvertures / Fermetures des lieux d’ « enfermement »

L’analyse des espaces de l’enfermement fournira enfin l’occasion de revenir sur les liens entre intérieur et extérieur. D’une part, l’histoire de l’enfermement montre une fermeture progressive, depuis les institutions de l’époque moderne aux frontières poreuses jusqu’aux établissements du 19e siècle aux murs et portails a priori hermétiquement fermés. De même, l’évolution actuelle des lieux de privation de liberté est généralement décrite comme marquée par une fermeture accrue . Cette fermeture supposée est-elle effectivement observable dans les manières dont le lieu d’enfermement est pratiqué – et si oui à quels niveaux ?

D’autre part, on remarque également un mouvement d’ouverture (imposée ou voulue) de ces institutions sur l’extérieur. Depuis le 19e siècle, le nombre d’associations et d’intervenants (associations religieuses ou philanthropiques, médecins, inspecteurs, parlementaires, puis travailleurs sociaux, psychologues et autres intervenants du monde de l’action sociale) présents dans les lieux de privation de liberté n’a cessé de croître ; s’est en outre récemment ajoutée la mise en place de structures dédiées à leur contrôle – tel le Contrôle Général des Lieux de Privation de Liberté en France ou, au niveau européen, le Comité européen pour la Prévention de la Torture. En quoi l’intrusion d’acteurs extérieurs (et éventuellement de « contrôleurs ») modifie-t-elle l’image de l’institution fermée (celle qu’elle donne et/ou celle qu’elle souhaite donner) mais aussi ses pratiques internes, de maintien de l’ordre notamment ?

Les contributions proposées dans le cadre de cet appel devront donc s’intéresser, dans une perspective historique ou contemporaine, aux pratiques, aux acteurs et aux espaces de l’enfermement et aux effets de leurs éventuels transferts ou circulations d’une institution à l’autre. Les communications proposant une approche empirique, « en actes », de ces institutions seront privilégiées. Les institutions retenues pour l’appel à communications (prison, rétention et hôpital psychiatrique) pourront éventuellement être confrontées à d’autres types de lieux (locaux de gardes à vue, centres éducatifs, « labour camps », mais aussi camps, hôpitaux, casernes, etc.) si l’approche retenue pour le colloque y apparaît pertinente.

Modalités de soumission

Organisées par le Centre franco-allemand de recherche en sciences sociales de Berlin (Centre Marc Bloch), le programme de recherche TerrFerme (hébergé par le laboratoire ADES de Bordeaux), l’Institut d’Ethnologie Européenne de l’Université Humboldt à Berlin et le Centre de recherches interdisciplinaires sur l’Allemagne à Paris, cette manifestation vise tant à promouvoir le dialogue interdisciplinaire qu’à encourager la mise en perspective internationale.

Nous accueillerons donc très favorablement les études s’inscrivant dans différents contextes nationaux, à l’échelle européenne ou mondiale. Toutefois, pour des raisons pratiques de traduction des communications, les langues d’intervention devront être l’allemand, l’anglais ou le français.

Les propositions, sous la forme d’un résumé de 300 mots environ, devront nous parvenir à l’adresse : enfermement@googlemail.com
avant le 15 mai

Les propositions devront préciser, autant que faire se peut, les possibilités de financement de l’intervenant. Seuls les participants dont les institutions de rattachement ne peuvent prendre en charge le déplacement et/ou l’hébergement pourront voir leurs frais totalement ou partiellement remboursés.

Monday, 3. January 2011

CfP: Internment, Incarceration and Detention. Captivation histories in Europe around the First and Second World War (Amsterdam novembre 2011)

On 3 and 4 November 2011 the NIOD, Institute for War, Holocaust and Genocide Studies will organize a workshop in Amsterdam (The Netherlands) on 'Internment, Incarceration and Detention. Captivation histories in Western Europe around the First and Second World War'.

Prisons and prison like institutes are an essential element of Western criminal justice. As an instrument for social control, penal
institutions have become representations of the existing political and social values. When political, social and economic changes occur, they immediately have an effect on the prison system. These changes are more noticeable in times of war and peace while these are times when the prison system occupies an important place in the incarceration of enemies of the (former) regime. Therefore, during the first half of the twentieth century, when the First and Second World War occurred, the detention of both criminals and political prisoners has been highly dynamic.

However, in transitional justice history, 20th century war history and criminal justice history the practice of the prison system in the 20th century is often neglected. Studies on the prison in criminal justice history focus mainly on philosophical theories (Elias, Rusche and Kirchheimer, Foucault, Garland, etc.) and less on archival research. In 20th century war history, the focus is usually on the concentration and extermination camps. Studies concerning transitional justice often only focus on the use of law and do not regard the prison system. This workshop consequently aims to broaden the scope of case studies on captivation histories in Europe around the First and Second World War.

Nikolaus Wachsmann offers a great starting point for this aim with his book Hitler's Prisons. Legal Terror in Nazi Germany (Yale University Press: New Haven/London, 2004). In this groundbreaking study Wachsmann investigates the function of the state prisons during the Third Reich. In doing so, he argues that the Nazi prison cannot be understood without knowledge of the penal system during the Weimar Republic. In other words, studying imprisonment practices during regime changes involves paying attention to lines of continuity and discontinuity.

The NIOD Workshop 'Internment, Incarceration and Detention' seeks to explore the historical practice of incarcerating enemies of the (former) regime, the changes that occur in the existing penal system by doing so, the emergence of new types of correctional institutions and their practical implementation in imprisonment cultures. Different types of prisons should be considered, the most important being: the regular prisons, internment camps and different types of concentration camps (not the extermination camps).

We would like to invite paper proposals that explore diversified
imprisonment and detention practices in implicit or explicit relation to regime change. The topics of interest may include (but are not limited to) the following issues:

Practices of everyday life
- How was life organized in regular prisons in comparison to internment and concentration camps? And how can the relationship with the outside world be described?
- Are there differences in penal institutions for women, men and
juvenile delinquents?
- Were practices in the different penal institutions violent (and in
which specific time and place) and how can this be explained? Was
torture used as means or as goal (punishment)?
- What was the composition of the prison staff and can we trace a
growing influence of 'medical' staff? If so, how did this affect prison
life?

Ideology and regime change
- What are the political and social functions of internment and
detaining during (and after) regime changes?
- Is the 20th century the 'century of internment'?
- Was there a strive for rehabilitation in the penal system? In times of regime change, was there an attempt at political reeducation?
- Did the imprisonment of political opponents have (immediate) effects on prison regimes?

Longterm developments
- Was there a long-term effect on national prison regimes because of the imprisonment of political opponents during the first half of the 20th century?
- Were there differences between the formal status of regular prisons and concentration camps and did this have any effect on the prison system in the long run?
- Did international penal reform movements cause continuities or
discontinuities in the prison system between 1900 and 1950?

The deadline for the submission of proposals is 15 March 2011. Please submit paper proposals (500-word maximum) with presentation title, presenter(s) name(s) and contact information via e-mail to:
a.tijsseling@niod.knaw.nl & h.grevers@niod.knaw.nl

Organizing committee:
Anna Tijsseling (NIOD, Leiden University)
Helen Grevers (NIOD)

Friday, 21. May 2010

Nouvel espace publication sur Criminocorpus

Criminocorpus. Histoire de la justice, des crimes et des peines ouvre un nouvel espace de publication sur Revues.org.

«Criminocorpus, revue hypermédia» prend ainsi la suite des «dossiers» édités en ligne sur le portail depuis 2005. L'objectif est de mieux valoriser les articles originaux tout en permettant l'accueil de nouvelles publications (expositions, sources, rééditions...) sur le portail.

La principale nouveauté de ce nouvel espace est de proposer des comptes rendus d'ouvrages récemment publiés. Notez que l'accès aux dossiers ne changent pas sur le portail (la redirection est automatique).

La politique éditoriale est identique : écrire pour un lectorat ouvert, réaliser une édition hypermédia et contribuer à la production de la cohérence du domaine thématique en publiant en flux continu des articles liés à des documents sources et des corpus disponibles sur le site portail. Les articles originaux sont soumis à une double évaluation organisée par le comité de rédaction.

«Criminocorpus, revue hypermédia» compte à ce jour 40 auteurs et une soixante d'articles. Quatre dossiers ouverts :

- Autour des Archives d'anthropologie criminelle
- Les bagnes coloniaux
- Crimes et criminels dans le cinéma de fiction
- Histoire de la police

Trois dossiers à venir (appels à contributions en cours) :

- Justice et détention politique
- Figures de faux-monnayeurs (du Moyen Âge à nos jours)
- Alphonse Bertillon et l'identification des personnes

adresse du site : http://criminocorpus.revues.org

Saturday, 6. March 2010

Prisons parisiennes

Grande exposition au musée Carnavalet avec 340 photos prises dans les prisons de la capitale entre 1851-2010, du 10 février au 4 juillet

Lien vers l'expo

HISTOIRES PARISIENNES

Ça se passe à la capitale et ailleurs...

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